AUTOUR DES SOURCES : GAZINET AUTREFOIS

 

Journal de la Coopérative scolaire de l’école du parc (1977)

doc ecole parc

 

 

Préambule :

Le texte suivant est la transcription d’un document manuscrit réalisé par les élèves de l’école de Gazinet. Ils ont interrogé Madeleine Lalanne que beaucoup d’entre nous ont connue. Ce document, réalisé en 1977 m’a paru intéressant et j’ai donc choisi de le transcrire pour vous le proposer.

 

La visite de Madame Lalanne

Un mardi après-midi, une dame âgée, Madame Lalanne, est venue dans notre classe pour nous parler de Gazinet autrefois.

Elle va avoir 82 ans le 15 janvier 1978. Elle est arrivée à Gazinet à l’âge de 3 ans. Elle a les cheveux blancs, beaucoup de rides, la figure ronde ; elle porte des lunettes et des boucles d’oreilles. Elle est assez grande, forte, vêtue de noir. Sa voix est grave et agréable et on la comprend fort bien.

Elle a répondu à toutes nos questions et nous a appris beaucoup de choses auxquelles nous ne pensions pas. Elle nous a apporté des cartes postales sur Gazinet autrefois.

Elle a connu la « sorcière de Gazinet », a vu Gazinet se construire au milieu des pins. Elle a connu deux guerres, était présente lors du bombardement de Gazinet. Elle connait l’histoire de Gazinet depuis près de 80 ans.

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Q : Dans quel ordre a-t-on construit les différents quartiers ?

         Après les premières maisons, il y a eut le début de l’Avenue de Verdun et de la rue de la Gare. Après, on a construit le Maroc (rue Albert Camus, rue Bel Air, rue des Chalets) plus tard la rue Bonlieu et le lotissement Brémontier (de l’autre côté de la voie ferrée).

Q : Un endroit s’appelle « Les Arabes ». D’où vien ce nom ?

         Pendant la guerre de 1914- 1918, des arabes sont venus travailler à la briqueterie.

On a appelé l’endroit où ils habitaient « Les Arabes ». Je me souviens d’avoir vu deux arabes se battre au couteau près du passage à niveau, un soir que j’allais faire des commissions. Et j’ai eu bien peur.

Q : Où était la briqueterie ? (Cliquer ici pour plus de détails)

Elle était à la place du dépôt des pâtes Panzani. Elle utilisait la terre extraite des étangs actuels qui étaient des carrières d’argile, et on prenait aussi de la terre du côté des Sources.

Q : Que fabriquait cette usine ?

         Uniquement des briques. Il y en avait de deux catégories. Les briques partaient à pleins wagons grâce à un embranchement de la voie ferrée.

Q : Employait-elle beaucoup d’ouvriers ?

         Oui. Il y avait 20 familles (le père et la mère travaillaient). Il y avait aussi d’autres ouvriers venus de l’extérieur (jusqu’à 150 à 200 ouvriers)

Un ouvrier travaillait 10 heures par jour et gagnait 3 francs. Pour le même temps, une femme gagnait 25 sous ( 1,25 F)

A cette époque, un litre de lait coûtait 4 sous (0,20 F).

 

Q : Y avait-il d'autres usines ? où ? et que fabriquaient-elles ?

         À la place du garage Courbin, il y avait une distillerie d'essence de térébenthine. Presque en face du cimetière il y avait une fabrique de caisses  qui a brûlé dans un incendie. Elle a été reconstruite de l'autre côté de la route, à l'angle du chemin de Caussat et le bâtiment est toujours là mais il ne sert pas.

A côté de l'école des filles où habite madame Pailler, il y avait une petite scierie, et à la place de l'Alsacienne il y avait une fabrique et un dépôt de traverses de chemin de fer. Elle employait une cinquantaine d'ouvriers tous très fort, qui passaient les traverses dans des cuves de créosote, qui les transportaient, les empilaient, et les chargeaient dans les wagons. C'était un métier très dur. 

Q : Où et quand a-t-on construit la première école ?

La première école a été celle des enfants des ouvriers de la briqueterie. C'est Monsieur Ducourt le patron qui l'a fait construire. C'est lui qui payait l'institutrice. Il y avait 12 à 15 élèves. L'école était située à l'entrée de la rue de Pey Martin prêt du passage à niveau à la place de la maison de Monsieur Gaillard.

Vers 1905, la mairie de Cestas a fait construire l'école Jean Moulin qui était toute petite avec une quinzaine d'élèves. Avant que cette école soit construite les enfants qui ne venaient pas de la briqueterie allaient à pied au bourg de Cestas.

Q : Quand a-t-on construit notre école ?

Cette école a été construite vers 1936.

 

Q : Quel a été le premier commerçant ?

         J'en ai connu d'abord deux : Un épicier à la place de la pâtisserie Diot. Le magasin était fait de 2 petites pièces. Il y avait aussi le bar-bureau de tabac de la gare où on achetait aussi le vin au litre, tiré à la barrique.

 

Les souvenirs de Madame Lalanne

Les transports :

Autrefois la route d'Arcachon était simplement enpierrée, comme toutes les routes de Gazinet. Les marchandises étaient transportées sur des charrettes. Dessous la charrette un grand caisson était suspendu par 4 chaînes. Lorsque la route était longue, le charretier se glissait dans le caisson et dormait. En cas d'obstacle, les chevaux s'arrêtaient seuls. Maintenant les camions n'en font pas autant et ne peuvent pas rouler pendant que le conducteur dort !

Les troupeaux :

Sur la route d'Arcachon passaient des troupeaux de bœufs et de moutons qui arrivaient des Pyrénées pour aller à l'abattoir de Bordeaux. Derrière le troupeau suivait une charrette conduite par un gardien qui recueillait les moutons blessés ou incapables de continuer la route. Un chien empêchait les animaux de s'éparpiller.

 

 

La sorcière de Gazinet (Cliquer ici pour visionner un court-métrage sur ce sujet)

Au début du siècle, habitait sur la route d'Arcachon, une guérisseuse célèbre qu'on appelait la sorcière de Gazinet. De nombreux malades venaient par le train, la consulter et des charrettes les transportaient chez elle depuis la gare. Les habitants de Gazinet l'aimaient beaucoup car elle aidait tous ceux qui étaient dans le besoin. Elle portait à l'école des vêtements et des chaussures pour les enfants, payait des robes de communiantes, donnait  5 francs ou 10 francs aux communiants et communiantes. Les gens du pays profitaient-en ainsi de la plus grande partie de l'argent qu'elle recevait des malades. Elle guérissait en posant les mains sur les malades, et avec des plantes ( un herboriste s’était installé dans une maisonnette en planches à l'emplacement du 19 de la rue Marc Nouaux).

C'est elle qui a fait construire l'église gallicane sur la route d'Arcachon. Voici pourquoi : L'administration avait interdit à la guérisseuse de continuer son « travail ». Elle a fait venir à Gazinet un médecin qui était en même temps évêque gallican et pour le remercier, elle a fait construire cette petite église.

Ce nom de « sorcière » vient du fait qu'elle devinait et guérissait les maladies mais devineait aussi bien des choses.

Un jour, une dame arriva chez elle avec un panier.

Que portes-tu dans ce panier ? demanda à la guérisseuse.

Une paire de poulet pour vous remercier de m'avoir guéri !

Tu vas les rapporter ou tu les as pris il répondit la sorcière sévèrement.

Et la dame reparti chez elle sans rien dire, car elle les avait volé.

Notre guérisseuse était déjà âgée quand je l'ai connue. Elle était petite et menue, coiffée d'un foulard noué sur son chignon. J'ai su quand j’étais jeune qu’elle avait vendu des journaux à Bordeaux. Elle s'appelait madame Mathieu et elle a voulu être enterrée dans sa petite église. Mais l'Église a été vendue, sa maison aussi, et le nouvel acheteur, l’a faite déterrer pour qu'on la mette au cimetière.

Nous avons cherché dans le dictionnaire ce qu'était l'église gallicane. Voici ce que nous avons trouvé : « L'église gallicane tout en restant sincèrement attachée au Pape et à la foi catholique, à conservé certaines franchises et libertés qui lui venaient des premiers temps. Elle met l'infaillible l'infaillibilité non dans le pape seul, mais dans l'ensemble des évêques. Le gallicanisme fait une distinction entre la puissance spirituelle et la puissance temporelle. Ces doctrines ont été rédigées par Bossuet en 1682 dans la déclaration du clergé de France »

(Nous avons appris qu'il existe encore à Bordeaux un évêque gallican qui est également médecin.)

Le domaine de Monsalut : (Cliquer ici pour plus de détails)

Ce domaine appartenait au général Rollet. C'est lui qui a fait construire la chapelle « Notre-Dame-de-Monsalut » A cette époque la propriété possédait 30 vaches, 2 chevaux qui transportaient le lait à Bordeaux et 3 chevaux de labour. Cette propriété a ensuite été vendu à Monsieur Ducourt ( le propriétaire de la briqueterie) lequel l’a laissé à sa fille et à son gendre, le général Boy.

La chapelle ayant été construite vers 1910, alors qu'il y avait encore peu de monde à Gazinet, Madame Boy a donné un terrain pour qu'on construise une église. Et puis la chapelle trop vieille a été abandonnée et le terrain a été vendu en 1976, sans que l'Église soit construite.

Le domaine de Monsalut qui était autrefois exploité par un fermier qui employait un vacher, trois charretiers, trois résiniers, des femmes de journée n'emploie plus de main d'œuvre et une partie est aujourd'hui transformée en lotissement.

Les Sources :(Cliquer ici pour plus de détails)

Déjà lorsque j'étais jeune, les Sources de Gazinet était connues des Bordelais. Il venaient par le train, le dimanche, en apportant leur panier pour le pique-nique.

Mais dès cette époque il y avait une guinguette qui faisait dancing, et où on pouvait boire et manger.

Le soir tout le monde voulait repartir à la même heure et ça faisait une belle cohue à la gare où les trains étaient pris d'assaut.

Comme, à cette époque, les distractions étaient rares, nous nous rendions au passage à niveau pour assister aux bousculades et au départ des visiteurs du dimanche. 

Pour davantage d'informations :

 Extraits :

 

Et aussi : Cestas en Graves et Landes Girondines, ouvrage collectif auquel j'ai participé.